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Sécurité civile européenne : des avancées encore insuffisantes

Actualités Internationales
16 mars 2014

Ce nouveau texte, reformant le mécanisme de « protection civile » a été adopté par le parlement européen le 10 décembre 2013. L’idée est de mettre en place une politique de prévention des catastrophes et de fait, de promouvoir la culture de la prévention dans l’Union et en dehors. En effet, la fréquence et l’intensité des catastrophes en Europe a augmenté. En dix ans, 100 000 citoyens européens sont morts lors de canicules, tempêtes, inondations… L’impact économique est loin d’être neutre puisqu’il est estimé à 150 millions de d’euros. L’objectif est donc de créer un système européen de gestion des catastrophes : prévention, réaction et réponse coordonnées. Cette réponse européenne coordonnée pourra être déclenchée pour les catastrophes touchant plusieurs états, qu’ils soient états-membres de l’Union ou pays tiers.
Ainsi, accueillant favorablement le vote, Mme Kristalina Georgieva, Commissaire européenne chargée de la coopération internationale, de l’aide humanitaire et de la réaction aux crises, s’est exprimée en ces termes: «L’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles et d’origine humaine observée au cours de la dernière décennie prouve qu’il est plus que jamais nécessaire d’adopter des politiques cohérentes, efficientes et efficaces en matière de gestion des catastrophes. Ce vote apporte une nouvelle pierre à l’édification d’un système de protection civile fiable et prévisible à l’échelle européenne, système dont l’existence peut faire pencher la balance de la mort vers la vie en cas de catastrophe. Élément tout aussi important, la proposition législative révisée prévoit des mesures qui nous aideront à mieux nous préparer aux catastrophes à venir. Une bonne gestion des catastrophes consiste avant toute chose à garantir la sécurité de nos citoyens. Je tiens à remercier le Parlement européen pour son soutien sans faille.»
Le 10 décembre 2013, les membres du parlement européen ont approuvé une augmentation du budget pour la « protection civile » et la création d’une capacité européenne de réponse d’urgence (EERC, European Emergency Response Capacity) remplaçant les précédentes dispositions. « Aujourd’hui, c’est ue petit pas en avant mais un pas important vers une Europe plus sûre et un monde plus sûr » a déclaré Elisabetta Gardini, parlementaire européenne italienne en charge de ce dossier au Parlement. Son rapport a été adopté par 608 votes pour, 75 votes contre et 10 abstentions, et le budget de la “protection civile” pour 2014 à 2020 est porté à 368 428 millions d’euros.
Dans son communiqué de presse la commission européenne indique que pour aller au-delà du système actuel de propositions d’aide ponctuelles, les États membres vont constituer à titre volontaire une réserve de capacités d’intervention et un groupe d’experts prêts à intervenir de manière à permettre une planification préalable cruciale, un déploiement immédiat et des interventions parfaitement coordonnées. L’UE couvrira une partie des coûts afférents à la constitution de cette réserve et remboursera les frais de transport des ressources et des équipes à concurrence de 85 %.
La proposition prévoit également pour la première fois que les États membres unissent leurs efforts pour déterminer s’il existe de réelles lacunes dans les capacités d’intervention en Europe et y remédier avec l’aide de la Commission, laquelle prévoit d’accorder un financement d’amorçage couvrant jusqu’à 20 % du coût des investissements nécessaires. Elle permet également à l’UE de prendre des dispositions préalables pour remédier à des défaillances temporaires en cas de catastrophe majeure. Le texte précise plusieurs termes, dont des acronymes : European Union Civil Protection Mechanism ou Mécanisme de protection civile de l’Union dénommé «mécanisme de l’Union», European Emergency Response Capacity (EERC) ou capacité européenne de réaction d’urgence et l’Emergency Response Coordination Centre (ERCC) ou Centre de coordination de la réaction, auquel le Pleins Feux 104 a consacré un article.
A l’occasion de la séance plénière du parlement européen qui se déroulait à Strasbourg, plusieurs députés sont intervenus dont deux françaises : Michèle Strieffler du grand Est et Françoise Grossetête du Sud-Est. Françoise Grossetête a ainsi indiqué : « Enfin on avance, depuis le rapport Barnier de 2006 on a attendu pas mal d’années […] c’est donc une Europe pragmatique et protectrice au service des citoyens ».

En adoptant cette décision, le Parlement européen s’aligne sur le point de vue des États membres quant à la nécessité de renforcer la coopération en matière de protection civile en Europe. La nouvelle législation est entrée en vigueur début 2014.

Un succès en demi-teinte
Bien que l’adoption du rapport Gardini apporte des évolutions positives pour la sécurité civile de l’Union et la coordination européenne de la réaction aux catastrophes, force est de constater que le texte est en deçà des attentes et que les Etats-membres n’ont pas pris la mesure de son importance dans construction de la sécurité civile européenne.

Mme Podimata, députée grecque, a souligné que cet accord était bien en deçà des ambitions premières. En effet, d’une part le mécanisme de financement par les Etats membres repose sur une contribution volontaire aux ressources de la protection civile. Or, si l’Union peine parfois à avancer concrètement, c’est bien parce que les Etats-membres rejettent fréquemment toute disposition contraignante, permettant pourtant une efficacité des dispositifs mis en place.
D’autre part, la majorité des réponses d’urgence de l’Union se situent dans des pays en voie de développement (PVD), soit dans des pays tiers. Or, Michèle Strieffler souligne que seulement 30% du budget est alloué aux PVD, contre 70% pour les pays membres. Cette répartition budgétaire est donc en contradiction avec la réalité du terrain, pour un mécanisme qui se veut pourtant proche des attentes des citoyens.

Enfin, force est de constater qu’au niveau des Etats-membres, les relais nationaux ont été très faibles voire inaudibles. Ainsi, en France, l’information a été très peu relayée sur internet et absolument pas sur les sites institutionnels. Quelques un de nos députés européens ont repris l’information, tels Michèle Strieffler élu du grand est, Robert Rochefort élu du sud-ouest, Nathalie Griesbeck élu du grand est, mais ils sont bien rares. Il en va de même sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook…) où le sujet a été quasiment inexistant. Dans les autres Etats-membres, une députée européenne du Portugal, Edite Estrela, a relayé l’information, mais elle n’a guère été suivie par ses collègues.
Cette absence d’intérêt des acteurs européens et nationaux pose question, alors même que la protection civile devrait les intéresser au premier chef. La raison vient peut-être du fait que l’Union européenne a adopté un texte consensuel, relativement éloigné des ambitions de départ.

S’il est éloigné des ambitions premières du rapport Gardini, ce texte paraît, à première vue, également bien loin des préoccupations des acteurs de terrain. Or il n’en est rien, les sapeurs-pompiers des Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS) doivent être des acteurs à part entière du mécanisme européen de sécurité civile. Ils ont en effet tout à gagner à prendre la place qui leur revient. Participer au mécanisme européen de sécurité civile permet aux sapeurs-pompiers de connaître et comprendre des situations différentes de ce qu’ils peuvent vivre dans leur SDIS, d’apprendre de nouvelles techniques et d’échanger avec des collègues d’autres pays. Pour la France, participer à ce mécanisme en envoyant des sapeurs-pompiers participer aux réponses européennes aux crises c’est renforcer l’influence de notre pays et promouvoir le système de sécurité civile à la française, dans l’Union et en dehors.
Cette opportunité, sapeurs-pompiers, acteurs de la sécurité civile française et institutionnels ne doivent pas la laisser passer. Renforcer et promouvoir le système français de sécurité civile est un enjeu primordial pour la pérennité et la qualité du service public français, au niveau national comme européen.

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